Ostéopathie et polyhandicap : Les mots d’un terrain silencieux

Dans les couloirs d’un établissement médico-social, les gestes sont plus bavards que les mots. Le polyhandicap impose une communication autre. Plus lente. Plus fine. Il oblige à être présent, entièrement.

Le polyhandicap regroupe des atteintes complexes : moteurs, sensoriels, cognitifs, relationnels. La HAS parle de « perturbations à expressions multiples et à grande dépendance ». Nous, praticiens, rencontrons surtout des personnes qui vivent avec une densité à laquelle peu de corps sont habitués.

Ce que l’ostéopathie peut changer

Ce que j’observe, dans ce contexte, ce n’est pas une guérison. C’est un apaisement. Une ouverture. Parfois une respiration qui devient plus fluide. Parfois un sommeil moins fragmenté. Parfois juste… une main qui se détend.

L’ostéopathie peut agir sur :

  • des douleurs musculo-squelettiques que personne ne verbalise, mais que le corps manifeste sans relâche,
  • la posture et les appuis, qui influencent digestion, respiration et confort,
  • la stimulation sensorielle, quand la communication ne passe pas par les mots,
  • le transit, souvent en souffrance chez les personnes en fauteuil ou très dépendantes.

Il ne s’agit pas d’un traitement unique. Il s’agit d’être là, avec les autres, pour soulager ce qui peut l’être.

Intégrer l’ostéopathie dans une logique d’équipe

Dans les établissements où j’interviens, tout change quand le lien avec les soignants, les aides-soignantes, les familles est clair. Quand les objectifs sont co-construits. Quand le soin ostéopathique ne remplace rien, mais s’articule.

C’est ce que nous tentons de favoriser avec Form’Ost et l’Association ANOEH : protocoles d’information partagée, accès sécurisé aux données, intégration dans le projet personnalisé. Le tout dans le respect du RGPD et des dynamiques d’équipe.

Former pour mieux accompagner

On ne touche pas un corps polyhandicapé comme un autre. Il faut désapprendre certaines logiques d’efficacité. Apprendre à observer autrement. À être accueilli aussi.

C’est pourquoi nous proposons des formations pour les ostéopathes, mais aussi pour les accompagnants familiaux et professionnels. L’objectif :

  • comprendre ce qui se joue dans le corps non verbal,
  • repérer les signes d’inconfort ou de bien-être,
  • savoir comment intégrer l’ostéopathie dans le soin global sans la survaloriser.

Un exemple : le projet Form’Ost 2022

En 2022, 140 adultes polyhandicapés ont bénéficié d’un suivi ostéopathique dans 6 établissements. Le projet était soutenu par la Fondation Malakoff Humanis Handicap. Les retours ? Un effet visible sur le sommeil, la douleur, la posture, les fausses routes. Pas de preuve scientifique formelle, mais des observations cliniques riches, cohérentes, répétées. Et surtout, une demande forte de poursuite par les professionnels.

Ce que je retiens

L’ostéopathie ne résout pas tout. Mais elle permet parfois quelque chose de rare : que le corps dise ce que la personne ne peut formuler. Et que nous, soignants, l’entendions.

Cela ne suffit pas. Mais c’est déjà beaucoup.